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Sujet zéro n° 1 – Philosophie 2024 – Corrigé – Sujet 2 – Philosophie · Terminale

Sujet 2

Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?

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Pour vous aider à visualiser le corrigé, nous allons mettre des titres aux différentes parties : vous ne devez bien sûr pas les écrire sur votre copie le jour de l’épreuve. Mais vous pouvez les noter sur votre brouillon pour vous aider à structurer vos idées.

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Astuce

L’introduction doit avant tout poser un problème qui justifie la question ; un problème est un débat, une opposition entre deux notions, ici passé / avenir, ou bien un dilemme (la passé sans l’avenir ou l’avenir sans le passé), ou encore la définition générale d’un concept qui vient s’opposer à la définition d’un autre concept. Vous avez donc le choix du procédé, mais dans tous les cas, il faut poser un vrai problème.

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Aucune notion du programme n’apparaît dans ce sujet, ce qui montre que les questions de dissertations ne sont pas des questions de cours (il ne s’agit pas de réciter son cours). Cependant le sujet renvoie à quelques notions du programme comme le temps, la conscience ou le devoir.

Introduction :

Le passé se définit comme orientation temporelle antérieure au présent. L’avenir est l’orientation temporelle ultérieure. En règle générale, nous voulons être maître de notre « destinée », choisir notre avenir. En ce sens, on parle de « se donner » un avenir. La tournure pronominale du verbe implique un effort d’appropriation d’un avenir qui pourrait être choisi et qui, sans volonté, pourrait advenir passivement, s’imposer à nous et contre notre gré. Mais pourquoi faudrait-il oublier le passé et pourquoi cet oubli serait-il la condition d’un avenir qu’on se choisirait et qui serait bon ? Parce que le passé peut être traumatisant et que le traumatisme pourrait nous empêcher d’« avancer ». Mais il se peut aussi que le passé soit meilleur que le présent et les perspectives d’avenir. Dans les deux cas, l’hypothèse d’une rupture avec le passé se dessine : faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ? Ne faut-il pas se libérer de l’obsession des temps anciens afin de dégager notre horizon d’une histoire, individuelle ou collective, qui pourrait l’obstruer ? La question implique donc une réflexion sur la logique et le sens ne notre vie, passée, présente et à venir.

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Astuce

La question ici est n’est pas posée sans raison, artificiellement : un problème la justifie.

Nous verrons ainsi que si se donner un avenir peut avoir pour condition la mémoire et la conservation du passé, il arrive en revanche que ce passé soit tellement marqué, nous retenant à lui, qu’il vaut dès lors mieux l’oublier pour avancer dans l’existence et dans l’histoire ; cependant il est possible que se souvenir du passé soit une démarche nécessaire pour l’admettre et continuer à vivre avec lui.

Se donner un avenir nécessite la mémoire et la conservation du passé

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Dans cette première partie, nous allons tout d’abord définir les concepts puis travailler sur ceux-ci.

Ne pas oublier le passé

Se donner un avenir, c’est se souvenir du passé. L’oubli se définit comme le contraire de la mémoire qui contient nos souvenirs de façon statique, et de la remémoration, action dynamique de la conscience qui fait l’effort de se ressouvenir. L’oubli est donc souvent considéré comme un défaut de mémoire, une perte de la conscience du passé, voire une pathologie de l’appareil psychique ou du cerveau. « Oubli » vient du latin ob-liveo, qui signifie « devenir noir ». Pourquoi ne faut-il pas oublier le passé si nous voulons nous donner un avenir ? Parce que la vie individuelle, tout comme l’histoire collective, se conçoit comme continuité temporelle. Il serait impossible de couper le fil du temps. Tout comme la mémoire, l’oubli peut être volontaire ou involontaire. Si la mémoire des choses s’impose à nous, nous n’avons pas alors à faire d’effort pour nous souvenir du passé. En revanche, si l’oubli est une tendance naturelle, il est alors nécessaire de faire de l’acte de remémoration un objet de la volonté, voire du devoir. C’est ici que l’idée d’oublier le passé apparaît comme ce qu’il ne faut pas faire (la question est « faut-il ? »). C’est en ce sens, par exemple, que le devoir de mémoire à l’égard des tragédies de l’histoire s’impose à un peuple, dans des formes officielles, comme les commémorations dont le sens s’énonce ainsi : n’oublions pas, souvenons-nous pour ne pas reproduire les mêmes fautes. L’entrée du village martyre d’Oradour-sur-Glane porte l’inscription suivante : « Souviens-toi ».

La vie : un trait d’union entre le passé et l’avenir

Plus généralement, si donner un sens à son avenir et être progressiste nécessite, de façon contradictoire en apparence, une tendance conservatrice (ne pas oublier le passé, le conserver), c’est parce qu’il est impossible de faire table-rase, en vue de jours meilleurs, de tout ce qui nous précède. C’est en ce sens que la dimension la plus large de cette temporalité insécable est celle de la vie en général. Bergson, dans L’Énergie spirituelle, et plus précisément dans la partie intitulée « La conscience et la vie », écrit : « La conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir ». La vie se définit par la conscience, une forme ou un degré de conscience ; or « toute conscience signifie mémoire ». Sans mémoire du passé ni continuité de la durée, nous serions, comme tout être vivant, incapable d’anticiper, c’est-à-dire de vivre un avenir dans lequel les expériences vécues servent de solutions possibles à de nouvelles difficultés. Ce principe vaut pour tout organisme vivant comme pour tout être humain dans son histoire. L’exemple de la madeleine de Proust permet de voir comment le souvenir peut être salvateur. Dans Du côté de chez Swann, alors que le héros se sent prisonnier d’un présent gris, sans perspective, le souvenir d’une enfance heureuse lui revient en mémoire grâce à l’odeur et au goût d’une madeleine trempée dans du thé, sensation éprouvée dans le passé. Son avenir reprend alors des couleurs.

La réminiscence, condition de la connaissance

Ne pas oublier, s’efforcer de se souvenir est également une nécessité pour l’avenir dans le domaine du savoir et pour l’avenir de nos connaissances. En ce sens, le début du livre VII de la République de Platon (l’allégorie de la caverne) met en évidence l’hypothèse selon laquelle les connaissances dont nous avons conscience sont la réminiscence d’idées que notre âme aurait vues dans le monde des Idées, supraterrestre, mais qu’elle aurait oubliées juste avant de redescendre sur terre. De là, pour Platon, connaître consiste à se ressouvenir et ignorer consiste à persister dans l’oubli des connaissances qui, pourtant, sont en nous. Oublier notre passé philosophique, en quelque sorte, persister dans cet oubli quand le philosophe vous dit qu’il existe en vous une vérité cachée qu’il faut dévoiler, c’est stagner dans la caverne de l’ignorance, dans l’ombre des préjugés, l’illusion des opinions et des apparences. Se donner un avenir, c’est aller contre le mouvement naturel de l’oubli et gravir la pente ascendante du savoir.

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Une transition critique est indispensable avant de passer à la partie suivante.

Toutefois, le passé est-il toujours heureux ? Est-il nécessairement un tremplin vers l’avenir ? Au contraire, un passé malheureux, traumatique, n’est-il pas plutôt à oublier afin de se découvrir de nouvelles perspectives de vie ?

Rompre avec le passé pour avancer

Les vertus de l’oubli

En ce sens, il faut oublier le passé pour se donner un avenir. Si le passé est malheureux et qu’il retentit sur notre personnalité, notre psychologie, s’il nous bloque dans notre évolution, il faut donc le gommer de notre mémoire pour aller de l’avant, couper la temporalité pour ne pas faire de cette dernière une mauvaise fatalité. Le début de la deuxième dissertation de la Généalogie de la morale de Nietzsche précise cette idée. Selon lui, tout le problème de passé vient des promesses que nous devons faire dans la société dans la mesure où la promesse nous tient prisonniers du passé – moment de la promesse – et d’un avenir défini par cette promesse – moments du respect de la promesse. Face à cette contrainte, l’oubli apparaît chez Nietzsche comme une « faculté », une force active, et non comme un défaut de faculté, autrement dit, une qualité : « L’oubli n’est pas seulement une vis inertiae [une force inerte], comme le croient les esprits superficiels ; c’est bien plutôt un pouvoir actif, une faculté d’enrayement », c’est-à-dire d’arrêt du processus malsain du souvenir. Puisque la conscience est la mémoire, alors il faut s’efforcer de « […] fermer de temps en temps les portes et les fenêtres de la conscience » ou encore « faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles ». Quelles choses ? Ce qui nous amène au plaisir et nous détourne de la douleur. La douleur s’assimile au sentiment de culpabilité lié au fait de ne pas pouvoir respecter ses engagements ou accomplir son devoir moral. Mais le souvenir de notre morale nous étouffe et nous devons trouver la force, sinon d’aller vers le bonheur et la liberté, du moins du moins de trouver la tranquillité : « […] nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourraient exister sans faculté d’oubli. » Nietzsche va même jusqu’à comparer le souvenir à une maladie, la dyspepsie, c’est-à-dire la digestion difficile : certains traumatismes passé sont difficiles à « digérer ». À l’inverse, l’oubli est le signe d’une bonne santé et nous donne non seulement un vrai avenir mais un avenir tout court, c’est-à-dire au fond, une espérance de vie supérieure à celui qui est trop anxieux.

La douleur du passé

En ce sens, toute nostalgie serait critiquable. Dans son livre C’était mieux avant !, Michel Serres critique la tendance de pensée selon laquelle le passé serait meilleur que le présent et l’avenir. La nostalgie est même un marché commercial, de « Radio nostalgie » qui ne passe que des chansons de variété françaises des années soixante et soixante-dix, à l’idée que « la jeunesse, aujourd’hui, n’est plus ce qu’elle était ». Contre cette tendance, Michel Serres rappelle combien le milieu du vingtième siècle a été tragique sur le plan mondial. En ce sens, la nostalgie n’a pas de valeur : peut-on regretter le temps de la guerre et de l’occupation ? Et même les héros romantiques subissent leur nostalgie comme un inévitable poison. Elle constitue un sentiment de regret des temps passés, des lieux et des personnes disparus, des jours heureux. Elle provoque un manque douloureux quand nous nous en souvenons, nous rappelle que le temps passe, qu’il est « assassin et emporte avec lui le rire des enfants », comme le chante Renaud dans « Mistral gagnant ». Le vieillissement est un éloignement : ce sentiment est dû au souvenir. Étymologiquement, la « nostalgie » vient du grec nostos, le retour et algos, la douleur, comme dans « névralgie ». Il faudrait mieux alors avoir la force d’oublier afin de se dégager des brumes du passéisme. La nostalgie poétique n’est donc que la sublimation d’un attachement obsessionnel au passé qui nous barre la route de la nouveauté.

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Une transition critique est indispensable avant de passer à la partie suivante.

Cependant, si l’on oublie d’où l’on vient, saura-t-on l’on va ? Dans l’Odyssée d’Homère, Ulysse, le héros nostalgique par excellence – il met dix ans à retrouver le chemin de son foyer après la guerre de Troie – n’est mu que par le désir de retrouver les siens. Il est perdu s’il les oublie. La nostalgie peut donc être un moteur pour l’avenir. De plus, on peut oublier le passé mais celui-ci peut nous rattraper… Fuyez le passé, il revient au galop !

Vivre avec le passé

La résilience

Aussi, pour se donner un avenir, ne faut-il pas oublier le passé, mais plutôt s’en souvenir afin de mieux soigner, liquider la douleur qui l’accompagne. Il s’agit de continuer à vivre avec en admettant son passé, même douloureux : « Show must go on ». Ce que l’on nomme « résilience » en physique désigne une valeur caractérisant la résistance d’une matière au choc d’un métal. Le mot est connu dans le domaine de la psychologie et désigne la capacité humaine à surmonter les chocs traumatiques. Une personne affectée par un traumatisme reconnaît cet événement traumatique de sorte à pouvoir se reconstruire d’une façon socialement acceptable. La résilience est donc le contraire du déni, qui réside dans un processus d’oubli du traumatisme, pour ne plus y penser, alors qu’il produit quand même des symptômes, un malaise, une personnalité troublée qui n’a alors pas une conscience claire de l’origine de ses troubles. La résilience, à l’inverse, prend conscience du traumatisme pour atténuer les symptômes.

Revenir de son passé

Connaître le passé pour se donner un avenir : tel est l’un des principe de la psychanalyse freudienne notamment. Freud, dans La décomposition de la personnalité psychique, affirme : « Wo es war soll Ich werden », c’est-à-dire « Où le ça était, le moi sera ». Le « ça » constitue une instance innée de l’appareil psychique et s’assimile au pôle pulsionnel de l’individu, la pulsion sexuelle qui se manifeste dès l’enfance. Celle-ci est limitée ou interdite par une autre instance psychique, le « moi », qui se forme sous l’influence de l’éducation morale et sociale. Par exemple, le petit enfant apprend qu’il ne peut s’exhiber nu devant tout le monde tout en exprimant des pulsions érotiques. La phrase de Freud signifie qu’un ou des événements de la petite enfance déterminent la personnalité adulte, notamment au plan de sa sexualité, par exemple, si on le punit trop sévèrement, par des sévices corporels, pour s’être ainsi exhibé, ou au contraire, si on l’a laissé faire. « Wo es war… » – littéralement « où c’était » –, « soll Ich werden » – littéralement : je dois devenir. Nous voyons en quoi le présent et l’avenir de la personnalité sont déterminés par un passé dont nous ne pouvons pas nous débarrasser mais dont le déni ou la mise à l’écart dans l’inconscient peut poser problème. En effet, pour Freud, la névrose, le résultat d’un traumatisme, est le résultat d’un conflit non résolu de l’enfance, qui se manifeste par des symptômes (angoisses, troubles obsessionnels compulsifs) voire des perversions (exhibitionnisme, absence de limites dans l’approche sexuelle). Dans une psychanalyse, l’anamnèse est l’action de rappeler à la mémoire, avec l’aide d’un thérapeute, l’histoire du patient qui a pu le mener à un trouble. En psychanalyse, l’anamnèse désigne le moment où le patient surmonte l’amnésie infantile et produit une abréaction, c’est-à-dire un défoulement de l’inconscient, une « catharsis », une décharge émotionnelle dû à la remontée dans la conscience d’un souvenir traumatique refoulé. Dans la thérapie du sujet, cette phase est indispensable pour la réapparition des souvenirs traumatiques placés dans l’inconscient, leur formulation, leur acceptation qui passe cependant par une phase de résistance et de déni. Pour Freud, le phantasme s’interpose entre le passé réellement vécu et les souvenirs évoqués. Autrement dit, le passé ne se révèle pas tel quel mais par un récit qui peut-être sublimé et que le patient, comme l’analyste, doivent interpréter.
C’est dire si la formule « se donner un avenir » prends ici tout son sens et toute sa force : il s’agit de ne pas oublier, c’est-à-dire de faire une véritable effort, non seulement de remémoration du passé, mais aussi d’acceptation de ce passé, en vue d’un avenir libéré partiellement des comportements névrotiques et donc un peu plus ouvert.

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Astuce

On utilise la conclusion pour préciser sa prise de position finale, l’idée à laquelle on aboutit en fin de raisonnement et sur laquelle on s’engage.

Conclusion :

Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ? Nous voyons qu’il faudrait en fait, et plus précisément, se libérer des obsessions obscures aux causes oubliées provenant des temps anciens. Si la conscience peut oublier le passé, notre corps, nos comportements, notre personnalité, eux, ne l’oublient pas. Il convient donc plutôt de connaître le passé, qu’il soit heureux ou malheureux, afin de savoir qui nous sommes et, surtout, ce que nous voudrions devenir, connaître l’avenir que nous voudrions donner à nous-même.

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