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Sujet Philosophie Bac L – Annale philosophie 2017 – Corrigé – Sujet 2 – Philosophie · Terminale

Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ?

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Dans une introduction, l’amorce est facultative. Vous pouvez commencer directement par définir les termes du sujet. Si vous choisissez de faire une amorce, veillez à ce qu’elle ne soit pas artificielle ni rhétorique : elle doit au contraire vous conduire à poser naturellement la question soulevée par le sujet.

Les États de droit cherchent à garantir la justice dans la société par le recours au droit, lequel permet de faire barrage à l’arbitraire. Dans ce cadre, le droit est compris comme un outil de justice, voire même comme pouvant être une émanation de la justice. Pour autant, le lien entre ce qui relève du droit et ce qui est juste ne va pas de soi, et on peut se demander si tout ce que nous avons le droit de faire est juste. Le droit désigne ce qui relève des lois et qui prend place dans le cadre juridique et politique d’une société donnée, ou d’un ensemble de sociétés dans le cas du droit international. Dans ce cadre, il y a des choses que j’ai le droit de faire et d’autres qui sont interdites, c’est-à-dire considérées comme illégales. On parle bien ici d’actions, les pensées n’étant pas prises en compte, ni le plus souvent les intentions. Ce qui contrevient au droit est normalement condamné et sanctionné par l’autorité judiciaire.
Contrairement au droit, on ne peut dire de quelle autorité relève la justice, qui renvoie à un concept plus large et plus flou, susceptible de varier selon les cadres de pensée. Est juste ce qui est conforme à la meilleure manière possible de faire ou d’être. La notion de justice contient également une idée de mesure : ce qui est juste est ce qui permet un équilibre entre les hommes et une répartition adéquates des biens, des pouvoirs et des activités humaines.

On voit que ces deux concepts, que l’on pouvait supposer aller de pair, sont en réalité très différents. Il semble pourtant difficile d’imaginer un droit injuste, puisque c’est bien son caractère juste qui justifie qu’on le respecte. Et inversement, il semble difficile de définir ce qui est juste indépendamment du droit. Pourtant, il suffit de constater que de nombreuses actions manifestement injustes sont autorisées ou restent impunies : la dissociation entre le droit et le juste est bien réelle dans les faits. La difficulté de cette séparation entre les deux notions est que respecter la légalité peut alors nous conduire à être injuste. L’enjeu est de savoir comment sortir de ce conflit moral qui nous place entre le droit et la justice.

Nous verrons pour cela que le droit peut être compris comme une construction sociale répondant à une nécessité pratique et définissant la justice : cette conception n’induit aucune contradiction entre le droit et le juste. Mais si l’on considère que la justice a une existence autonome par rapport au droit, alors non seulement les deux notions s’opposent, mais elles peuvent également entrer en contradiction. Une troisième conception nous permet cependant de considérer la justice comme idéal du droit et le droit comme moyen du juste.

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Ce plan ne se présente pas comme un plan dialectique (thèse, antithèse, synthèse), même s’il suit également ce schéma, mais comme un plan par définitions.
Chaque partie propose en effet de se pencher sur une conception différente du droit et du juste, ce qui justifie les contradictions entre la thèse et l’antithèse. N’oubliez pas que toute dissertation est avant tout une réflexion sur l’essence d’un ou plusieurs concepts et qu’on vous demande d’approfondir leur définition tout au long de votre devoir.

Le droit est une construction sociale et historique qui varie selon les sociétés et dans le temps. Il permet en effet d’organiser la vie commune et de garantir le bon fonctionnement de la communauté. Hobbes va plus loin dans cette perspective : selon lui, l’Homme à l’état de nature est violent et la vie est chaotique et dangereuse. C’est pour sortir de cet état de guerre perpétuelle que les êtres humains fondent une société et se donnent des lois. Il faut donc le droit pour rétablir et garantir un équilibre qui se rapproche davantage de la justice que la guerre de tous contre tous caractérisant l’état de nature.

Selon la conception de ce positivisme juridique, on voit que non seulement le droit est conventionnel, mais que c’est également lui qui définit la justice. Puisque le concept de justice ne fait pas référence à un absolu existant en tous temps et tous lieux mais qu’il relève au contraire d’une construction artificielle, est juste ce qui est conforme au droit. La justice est un état artificiel, protégeant les hommes de leur cruauté, et produit par la volonté d’un souverain ou d’une assemblée. Elle n’est pas arbitraire pour autant puisqu’elle se trouve légitimée par un pacte social : il faut ce pacte, c’est-à-dire cet accord que donnent tous les membres de la société, pour que l’on puisse parler de justice. Ce qui est juste est donc défini par une convention que les hommes choisissent ou acceptent librement. C’est toujours la loi et le droit qui définissent l’acte juste : tout ce que j’ai le droit de faire est donc par définition juste.

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Pensez à reprendre régulièrement les termes du sujet : c’est une bonne méthode pour éviter le hors sujet.

On voit que le droit comme la justice sont considérés ici dans une perspective pragmatique : ils n’existent que pour leur utilité, qui est de rendre possible la cohésion sociale. L’objectif est de faire en sorte que les hommes puissent vivre ensemble de façon aussi efficace et pacifique que possible : il n’y a pas ici de considérations morales. Le droit est là pour corriger les comportements humains, non pas en fonction d’un idéal antérieur, mais en fonction de ce qui nous est utile. Les lois pouvant être modifiées, le droit est écrit et réécrit pour s’adapter à la société. Il en va de même pour la justice, qui apparaît alors comme purement relative et peut évoluer dans le temps : ce qui était juste hier peut nous sembler injuste aujourd’hui. L’intérêt de cette perspective est son rationalisme : non seulement on peut construire notre cadre juridique en fonction de nos besoins, mais en plus, on peut expliquer rationnellement ce que l’on appelle justice, sans faire appel à d’autres notions difficiles à définir. Définir le juste par le légal semble donc non seulement efficace mais aussi conforme à la raison.

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Approfondissez votre raisonnement en tirant des conclusions et en cherchant l’intérêt, la valeur ou les difficultés de la position que vous avez développée.

Le problème est que ni la raison, ni même l’utilité sociale ne garantissent que nos actions soient toujours les bonnes. En effet, le droit peut également conduire au pire. Peut-on dire qu’une loi criminelle est juste uniquement parce qu’elle relève du droit ? Si le droit peut coïncider avec le juste, rien ne le garantit pour autant.

Le positivisme juridique conduit à une conception purement formelle de la justice, à laquelle on peut opposer la réalité des sociétés humaines. Puisqu’il y a plusieurs droits, selon les pays, faut-il en conclure qu’il y a plusieurs justices ? Que faire des atrocités commises sous la protection de la loi ? Pour comprendre ces réalités, il faut, au contraire, distinguer nettement le droit et le juste.

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Alors que dans la première partie, on a défini la justice à partir du droit, on va utiliser ici la méthode de la distinction conceptuelle pour comparer ces deux notions. Il s’agit de prendre plusieurs critères pour montrer les différences, voire l’opposition, entre deux notions : ici, on se servira des couples social/moral, relatif/universel et histoire/raison.

Si le droit répond effectivement à un idéal social et à une perspective utilitaire, le juste a également une dimension morale et fait référence à des valeurs qui ne sont pas qu’utilitaires. Alors que le droit est relatif, la justice a une prétention universelle et absolue. Enfin, un système juridique est le produit d’une construction historique et culturelle, alors que le concept de justice est avant tout rationnel : il provient de la raison et non de l’histoire. Ces distinctions impliquent que les contradictions sont possibles entre le droit et la justice, et qu’il n’est pas toujours juste de faire ce dont on a le droit.

En effet, le droit peut être injuste. On peut ainsi penser que des lois ne protégeant pas les personnes les plus vulnérables et privilégiant au contraire les plus puissantes ne sont pas conformes à un idéal de justice. Plus encore, le droit peut servir d’excuse aux actes les plus injustes : on pense naturellement à Eichmann qui, à son procès, a justifié ses actes par le respect qu’il devait aux lois du IIIe Reich. Par ailleurs, le droit se préoccupe surtout de ce qui touche à la vie sociale et de nombreux domaines restent hors de sa portée : le droit ne m’empêche pas de mentir à mes amis ni, dans une certaine mesure, d’abimer la nature, actions que l’on peut pourtant considérer comme injustes.

Il s’en suit que ce qui est juste peut être parfois de s’opposer à la loi et de faire ce qu’on n’a pas le droit de faire : c’est ce que théorise la désobéissance civile, selon laquelle les citoyens ont le devoir de ne pas respecter des lois injustes. Dans les cas où la loi n’est pas injuste en elle-même mais ne s’occupe pas de certaines injustices – le mensonge à nos proches par exemple –, il peut être nécessaire qu’autre chose prenne le relais du droit : un système de valeurs par exemple, une loi morale, des principes personnel, etc. Il y a donc des cas où ce qui est juste conduit soit à entrer en contradiction avec le droit, soit à lui ajouter un autre cadre normatif.

Par ailleurs, si on considère que le droit a pour objectif l’organisation de la vie commune, et même s’il vise également un idéal de justice, cette visée pragmatique risque de le faire entrer parfois en contradiction avec ce qui est juste. En effet, la loi doit préserver l’intérêt général, qui peut être incompatible avec d’autres intérêts : les intérêts d’une minorité par exemple, ou bien les intérêts écologiques. Le droit est souvent amené à faire un choix entre plusieurs injustices, essayant de faire ce qui est le moins injuste : si la plupart des choses que j’ai le droit de faire sont justes, il n’est jamais possible d’affirmer que c’est le cas de l’ensemble des actions qui me sont permises.

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Ici on répond à une nouvelle dimension du sujet qui ne demande pas seulement si ce que j’ai le droit de faire est juste, mais si tout ce que j’ai le droit de faire est juste.

Il est donc nécessaire d’opérer une dissociation entre le légal (ce qui est permis par la loi) et le légitime (ce qui est conforme à la justice, ce qui devrait être), de ne pas confondre les actions conformes au droit et celles conformes au juste. Il faut en effet retenir que le droit ne couvre que la dimension légale, alors que la justice concerne une sphère beaucoup plus large, englobant notamment le point de vue de la morale, de l’économie, de la politique, de l’histoire, de l’écologie, etc. Mais distinguer droit et justice ne signifie pas nécessairement les opposer : il est au contraire souhaitable que ces deux notions puissent fonctionner ensemble.

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Pensez à utiliser les repères du programme, très utiles pour faire des distinctions conceptuelles : ici, on se sert des repères légal/légitime.

Plus encore, justice et droit peuvent se promouvoir mutuellement, l’un devenant la garanti de l’autre. Le droit, dans sa rigueur et dans son formalisme, peut donner une base rationnelle et réfléchie à nos actions : le fait même que nous puissions définir entièrement le droit nous permet d’y réfléchir et de l’analyser. Si on comprend la justice comme une notion indépendante des diversités historiques et culturelles, c’est-à-dire comme un absolu, il est bien difficile d’en définir les contours de manière certaine, et encore plus de tomber tous d’accord sur son contenu. Par ailleurs, le fait que le droit soit borné à certaines sphères seulement de l’action humaine est justement ce qui le préserve de l’injustice. Ainsi, en ne se préoccupant pas de morale (j’ai le droit de mentir à mes amis), en ne jugeant pas les pensées ni les intentions, la loi laisse une grande part de liberté à chacun. Si, au contraire, le droit cherchait à se calquer en tous points sur des principes de justice, il dépasserait son rôle et deviendrait arbitraire ou tyrannique.

Mais le droit peut rester un moyen d’atteindre ce qui est juste, dans la limite de ses domaines d’action. En tant que construction rationnelle, que l’on peut mettre à l’épreuve et modifier, et s’il est écrit de façon démocratique, le droit peut constituer une étape vers le juste : non pas le juste considéré comme un absolu et préexistant à toute action humaine, mais comme une chose à découvrir ou à construire. Le droit est en effet un domaine où l’on s’interroge sur les meilleures actions possibles et sur celles qu’il faut au contraire éviter. La loi sert alors à donner un cadre aux hommes et à limiter les injustices. On a d’ailleurs de plus en plus la volonté de juridiciser des valeurs comprises comme supérieures : ainsi les droits de l’Homme, le droit international ou la notion de crime contre l’humanité. Dans ces exemples, le cadre juridique se met au service de la justice et non de la simple utilité sociale.

Non seulement le droit est un moyen pour atteindre le juste, mais encore, la justice peut servir de source d’inspiration au droit. Comment écrire des lois en effet si ne leur préexistent pas certaines idées de ce qu’il est juste ou injuste de faire ? Ce ne sont pas, on l’a vu, les seules considérations pragmatiques qui déterminent le choix d’un système de lois, et il ne semble pas possible de forger le concept de droit sans lui faire préexister celui de justice. C’est bien en fonction de notre conception du juste et de l’injuste que nous pensons et écrivons les lois. Cela n’empêche naturellement pas que le droit puisse être trop souvent en contradiction avec la justice, mais indique tout de même qu’il n’y a pas, par essence, d’opposition entre ces deux notions : dans une société idéale, rien n’empêcherait que tout ce que j’ai le droit de faire soit juste.

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Remarquez que dans chaque partie, on a pris soin de proposer une réponse explicite au sujet.

Le droit ne peut suffire à définir le juste : il ne suffit pas que j’ai le droit de faire une chose pour que cette action soit juste. Il faut en effet d’abord avoir le concept de justice pour pouvoir penser en termes de droit. La notion de ce qui est juste ou injuste peut par contre servir de moyen d’évaluer le droit et de distinguer les lois justes des lois injustes. Cependant, il existe toujours d’autres critères d’évaluation du droit, tels que l’utilité sociale, la capacité à corriger une inégalité, la satisfaction apportée aux citoyens, etc. La justice est en tout cas plus large que le droit et se préoccupe de toutes les dimensions humaines, alors qu’il serait absurde ou parfois même arbitraire, de légiférer sur certains domaines. Droit et justice fonctionnent de pair, et idéalement, chacun est le moteur de l’autre, la justice étant l’idéal du droit et le droit la garantie de l’exercice de la justice.

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