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Sujet Philosophie Bac L – Annale philosophie 2017 – Corrigé – Sujet 1 – Philosophie · Terminale

Suffit-il d’observer pour connaître ?

C’est d’abord par l’intermédiaire de nos sens que nous découvrons le monde : avant d’en forger une connaissance adéquate, nous nous plongeons d’abord dans son observation. S’il nous faut observer avant de connaître, suffit-il pour autant d’observer pour connaître ? Condition nécessaire, l’observation n’est peut-être pas une condition suffisante à la connaissance. Observer implique pourtant une activité du sujet : il s’agit en effet de regarder avec attention, avec méthode et peut-être déjà avec réflexion ; puis d’enregistrer les données ainsi captées et de les relier les unes aux autres, en remarquant leurs connexions ou leurs divergences. Observer, ce n’est donc pas seulement voir, c’est déjà remarquer et constater. La connaissance va cependant plus loin puisque connaître, c’est savoir en détail la nature et le fonctionnement d’une chose, soit par l’expérience, soit de façon théorique et abstraite, soit les deux. Connaître implique donc d’avoir une idée précise et exhaustive d’une chose. Mais c’est également le fait d’avoir conscience de l’existence d’une chose, au sens où on peut demander à quelqu’un s’il connaît telle personne. Il y a donc dans la connaissance à la fois le fait de prendre acte de l’existence ou de la présence d’une chose, et le fait de pouvoir expliquer ce qu’est cette chose, d’être capable de rendre compte de son origine ou de son fonctionnement.

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Astuce

Dans l’introduction, vous devez définir les termes du sujet. Donnez toujours plusieurs définitions : c’est parce qu’il y a plusieurs sens possibles que votre devoir pourra progresser.

Observer est une des étapes permettant de construire une connaissance du monde qui nous entoure. Il semble en effet que l’observation puisse permettre d’accéder à la connaissance et en soit peut-être même une condition nécessaire : elle correspond à la dimension pratique et expérimentale de la connaissance. Pourtant, observer et connaître sont deux activités de natures différentes, l’observation étant toujours partielle, puisqu’elle est le fait d’un sujet singulier observant depuis un lieu et un temps donné, alors que la connaissance cherche à forger une image exhaustive de son objet. L’observation semble fondamentalement subjective, tandis que la connaissance vise à l’objectivité. Comment, malgré cette différence, peut-on passer de l’une à l’autre ? Et si l’observation est utile, voire nécessaire, comment peut-elle ne pas suffire, comment peut-on accéder à la connaissance malgré l’éventuelle carence de l’observation ?

Nous verrons d’abord qu’il faut observer pour connaître et que l’observation est une étape nécessaire dans l’acquisition de connaissances. Mais dans le passage d’observer à connaître, il semble y avoir un saut conceptuel qui suggère un écart entre ces deux activités. Pourtant, l’observation est également une forme de connaissance et il faut peut-être même déjà connaître pour être capable d’observer.

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Une bonne méthode consiste à partir d’une définition puis, au fur et à mesure du devoir, d’envisager différentes compréhensions des termes.

Connaître le monde, c’est tout d’abord en avoir conscience ; or pour que cette prise de conscience se fasse, il faut d’abord observer ce qui nous entoure. Cela se vérifie dans le développement de l’être humain, dont les premières années sont tournées bien plus vers l’observation que vers l’analyse : l’enfant regarde, joue, touche, expérimente. Les “leçons de choses” que proposaient d’anciens programmes scolaires reposaient sur cette tendance spontanée qu’ont les enfants à vouloir observer.

Cette étape est d’autant plus importante qu’une connaissance dépourvue d’observation serait une connaissance purement théorique et détachée de l’expérience. L’écueil serait qu’on ne pourrait la vérifier. Si l’observation est un point de départ nécessaire à toute connaissance, c’est donc qu’il faut partir d’un contenu et rassembler des données avant de construire un savoir. Connaître, c’est en effet connaître quelque chose.
Ce point de départ est essentiel pour la science, dont l’idéal est celui de l’objectivité.

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On propose ici deux niveaux d’analyse : celui anthropologique, qui étudie le développement de l’enfant, et celui de la science. Il est intéressant de pas rester dans un seul domaine et, au contraire, de prendre en compte différentes formes d’observation et de connaissance.

Observer ce que l’on veut connaître, c’est se confronter à l’objet tel qu’il est plutôt que de lui imposer nos désirs, nos croyances, nos préjugés ou de plaquer sur lui nos connaissances. L’observation est ce qui permet de prendre en compte une singularité : c’est cette feuille d’arbre, cette cellule, cette bactérie qui est observée, et non pas n’importe quelle feuille, cellule ou bactérie. La précision de l’observation et la prise en compte de l’unicité de ce qui est étudié permettent d’accéder à une connaissance précise plutôt qu’à des généralités. En ce sens, observer est la seule manière de ne pas construire un objet d’étude mais de s’y confronter pleinement.

Le modèle est ici celui des sciences de la nature, qui lient fortement l’observation et la connaissance, mais ce schéma peut concerner tout type de connaissance. C’est ce que l’empirisme a théorisé, défendant la thèse que c’est toujours à partir de l’observation du sensible que l’on peut connaître. Pour le comprendre, on peut comparer l’esprit à une feuille blanche : il faut d’abord que s’y impriment des données pour qu’il y ait quelque chose à analyser et à connaître. L’observation est l’équivalent de cette impression. Observer est alors une étape nécessaire, sans laquelle aucune connaissance n’est possible. Les empiristes insistent sur le fait que toute pensée est le reflet d’une impression sensible.

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Attention

Ce doit être par la logique de votre propre raisonnement que vous en venez à citer un auteur ou un courant, et non l’inverse.

Qu’est-ce que la connaissance alors ? Rien de plus que de l’observation. L’ordre de nos pensées correspond à l’ordre de nos perceptions : pour bien connaître, il faut bien observer. En effet, si on pousse jusqu’au bout ce raisonnement, il faut conclure que la connaissance n’ajoute rien de plus que l’observation, qu’elle n’en est que le versant intellectuel. « Observer » serait alors une opération sensible, et « connaître » une opération intellectuelle simplement calquée sur l’observation. L’entendement ne peut rien dire de plus que ce que les sens communiquent. La science devrait alors renoncer à ses prétentions d’universalité et à sa volonté de découvrir des lois de la nature, elle ne peut que décrire aussi précisément que possible le monde qui nous entoure. Dans cette perspective, non seulement il faut observer pour connaître, mais observer suffit à connaître, puisque la connaissance n’est rien d’autre qu’une rigoureuse observation.

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La transition doit justifier le passage à la partie suivante. Pour cela, vous pouvez soulever une idée qui entre en contradiction avec la conclusion de la partie que l’on vient de terminer.

Mais certaines formes de connaissance, notamment scientifiques, ont pour but d’expliquer et de comprendre le monde. Il ne s’agit pas seulement de percevoir les détails ni d’être capable de les décrire, ni même de les prévoir. Comment passe-t-on de l’un à l’autre ? Ce qui permet la compréhension, est-ce déjà contenu dans l’acte d’observer ; ou bien d’autres processus s’ajoutent-ils lorsque nous accédons à une connaissance complète de ce que nous observons ?

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La méthode des oppositions conceptuelles peut vous aider à argumenter.

  • Ici, on va opposer le particulier et l’universel, le contingent et le nécessaire, le sensible et l’intellectuel.

L’acte d’observer et celui de connaître reposent peut-être sur des principes différents. En effet, comme on l’a vu, l’observation peut prendre en compte la singularité de chaque objet observé : observer, c’est toujours observer un objet particulier. Or la connaissance implique le passage à une échelle universelle : connaître le fonctionnement du corps humain, c’est être capable de tirer des règles générales pouvant concerner tous les êtres humains à partir de l’observation d’un nombre limité d’individus. Dans le cas de la connaissance scientifique, le passage du singulier au général se traduit aussi par un saut du contingent à l’universel. Au stade de l’observation initiale et de l’expérience, le scientifique ne peut formuler que des remarques relatives au contexte particulier dans lequel il se trouve ; mais pour construire une connaissance scientifique, il lui faut déduire des lois, qui sont donc valables quel que soit le contexte, c’est-à-dire de façon universelle et nécessaire. Par rapport à la simple observation, toujours relative, la connaissance implique donc un processus de généralisation.

Lorsque l’on passe de l’observation à la connaissance, on s’élève également du sensible vers le conceptuel. Puisque connaître implique un savoir plus général, universel et nécessaire, que la simple observation contingente, ce n’est plus l’objet sensible qui est objet de connaissance, mais un objet intellectuel. Dans son analyse de la perception d’un morceau de cire, Descartes montre que c’est par l’entendement plus que par les sens que nous connaissons un objet. La cire en effet peut être chaude ou froide, dure ou molle, inodore ou odorante, lisse ou collante, selon son état. Pourtant, nous savons dans tous les cas qu’il s’agit d’une même cire, malgré les différences de perception sensorielle. On voit ici que l’observation seule ne suffit pas : pour connaître le morceau de cire, il faut reconstituer son unité malgré la diversité de ses apparences sensibles, et ajouter à l’observation un processus intellectuel. Cela ne signifie pas que les sens sont trompeurs, puisqu’ils nous renseignent effectivement sur la chaleur ou la froideur de la cire : ce qui serait trompeur serait de se contenter de l’observation sensible.

Pour connaître, il faut donc ajouter des opérations de la pensée qui apportent des concepts qui ne sont pas donnés par la seule observation. La connaissance n’est pas la simple collecte de données sensibles, elle implique également un raisonnement, des déductions ou des intuitions. À la démarche purement sensible vient s’ajouter un processus intellectuel : il ne suffit donc pas d’observer pour connaître.

Mais alors, d’où vient ce que le raisonnement ajoute à l’observation ? Si nos concepts sont totalement extérieurs à l’observation, c’est-à-dire s’ils n’appartiennent pas au monde sensible, comment peut-on s’y fier ? L’observation garantit en effet que nous sommes bien face à la réalité ; mais dès lors que l’on suit des raisonnements qui ne s’enracinent que dans l’entendement, comment peut-on être sûr de la véracité de nos conclusions ? Plus exactement, comment peut-on être sûr qu’il s’agisse d’une connaissance et non d’une invention ?

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Astuce

Dans cette partie, on essaie d’approfondir encore plus les concepts d’observation et de connaissance, et d’en donner une nouvelle compréhension qui permettra d’apporter une autre réponse à la question posée.

Pour répondre à ce problème, on peut revenir à l’acte d’observer et se demander ce qui nous permet de nous fier à cette démarche. L’observation ne se fait pas dans la passivité, et il y a une différence entre le fait de voir et celui d’observer, remarque qui est également valable pour nos autres sens. Observer est en effet un acte volontaire et conscient par lequel on prend note de nos perceptions sensorielles, on cherche des liens les unissant, on analyse ces données, on les met en relation dans la durée : observer, c’est déjà tirer un certain nombre de conclusions et prendre des décisions qui vont guider et affiner nos observations ultérieures. Il ne s’agit donc pas de recevoir passivement des impressions sensibles venant du monde extérieur et qui seraient traitées dans un deuxième temps par notre entendement. Il faut au contraire déjà raisonner pour être capable d’observer. Ainsi, comment pourrait-on observer un arbre si on ne savait pas déjà ce qu’est un arbre ? On ne verrait qu’un assemblage de formes et de couleurs qui ne nous permettrait pas de distinguer l’unité de l’arbre par rapport aux végétaux voisins ou à la terre où il pousse. Le scientifique peut pratiquer une observation plus active encore : c’est en effet parce qu’il a déjà une intuition qu’il souhaite vérifier qu’il observe son objet d’étude. L’observation est ici une recherche ; elle requiert déjà des connaissances et, en mettant à l’épreuve des hypothèses, elle est elle-même une forme de connaissance.

Le rapport entre observer et connaître, aussi bien hiérarchique que chronologique, n’est donc pas immuable. La connaissance peut préexister à l’observation, et l’observation peut parachever la connaissance. Ainsi, Neptune a été découverte par calcul mathématique et n’a été observée que dans un second temps. Dans ce cas, l’observation n’est que la mise en pratique d’une donnée mathématique, sa représentation visuelle. Il faut donc élargir la définition de l’observation : observer, ça n’est pas seulement enregistrer le sensible, ça peut consister également à dépasser les apparences. En effet, l’analyse des informations collectées par nos sens, qui fait partie intégrante de l’observation, permet de ne pas en rester à une simple collection d’impressions sensibles. Lorsque j’observe le morceau de cire, je l’observe en fonction du concept de cire que je me suis forgé et non comme une matière lisse et froide ou liquide et chaude. Par ailleurs, l’observation n’est pas uniquement sensorielle : on peut ainsi observer une image mentale, par exemple une figure géométrique qu’on se représenterait abstraitement plutôt que de la dessiner.

Il n’y a donc pas lieu d’opposer observation et connaissance, et il faut plutôt penser ces deux actions non seulement comme complémentaires mais aussi comme étant bien souvent unies par une relation d’imbrication et de simultanéité. Pour pouvoir connaître, il faut certes observer ; mais pour être capable d’observer, il faut déjà connaître. Ce n’est pas tant qu’observer suffise à connaître, mais plutôt qu’observer est déjà une forme de connaissance. Kant fait ainsi la distinction entre penser et connaître : connaître dépasse la seule abstraction et trouve toujours racine dans l’observation et l’expérience ; ce qui existe hors de toute observation et expérience possibles, on ne peut que le penser et jamais le connaître. On peut donc considérer l’observation et la connaissance comme deux facettes d’une même manière de se rapporter au monde.

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Astuce

La conclusion doit apporter une réponse ferme à la question posée. Vous devez donc prendre parti, en fonction du développement de votre devoir.

Toute véritable observation est donc déjà une forme de connaissance. En ce sens, observer peut suffire à connaître, même si certaines formes de connaissance, complexes ou nécessitant une grande quantité de savoir préalable, mettent en jeu des processus intellectuels supplémentaires : c’est notamment le cas de la connaissance scientifique. Mais la très grande proximité qui existe entre ces deux activités invite à rapprocher le sujet sensible et le sujet rationnel plutôt que de les opposer. Elle permet aussi de donner toute sa valeur à l’observation, y compris sous sa forme la moins méthodique, qu’il s’agisse du regard rêveur de l’enfant ou de la contemplation du poète. Dans tous les cas, il s’agit bien d’une forme de connaissance du monde. En effet, observer permet une prise de conscience du monde, étape qui peut se suffire à elle-même et qui est de toute façon nécessaire pour toute élaboration ultérieure de connaissance. Plus encore, c’est également ce qui nous permet de mettre en application nos connaissances, d’expérimenter nos intuitions, de découvrir des éléments que nous ignorions, autant d’expériences qui sont déjà des connaissances. Certes, la connaissance apportée par la seule observation peut être incomplète ou insuffisante, mais plutôt que de la dévaloriser, on peut la considérer comme une autre forme de connaissance, qui vaut par elle-même, et sans chercher à la placer dans un rapport de hiérarchie avec des connaissances plus abstraites.

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