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Sujet corrigé de philosophie: Texte de Hegel sur la valeur morale ou raisonnable de l’homme à l’état de nature et à l’état de culture – Niveau Terminale A,C,D,E

SUJET : TEXTE DE HEGEL SUR LA VALEUR MORALE OU RAISONNABLE DE L’HOMME A L’ETAT DE NATURE ET A L’ETAT DE CULTURE

Notions en jeu : nature / culture, morale

AVANT-PROPOS

Il est avant tout primordial de comprendre que ces éléments de corrigé ne constituent en aucun cas un “corrigé type”, mais seulement des exemples de traitement possible de ce sujet d’explication de texte.

En philosophie la démarche de pensée individuelle et la logique de l’argumentation est ce qui rendra un travail bon le jour de l’épreuve.

Il n’y a pas un plan possible mais plusieurs, même s’il faut méthodiquement procéder de manière linéaire (expliquer ligne après ligne, du début à la fin, et montrer comment l’argumentation se déroule). Ce corrigé se veut donc avant tout une explication d’un texte et des attentes que suppose cette épreuve différente de la dissertation, et non un corrigé type comme on pourrait en trouver en sciences dures : mathématiques…

TEXTE A EXPLIQUER

Expliquer le texte suivant :

« On décrit souvent l’état de nature comme un état parfait de l’homme, en ce qui concerne tant le bonheur que la bonté morale. Il faut d’abord noter que l’innocence est dépourvue, comme telle, de toute valeur morale, dans la mesure où elle est ignorance du mal et tient à l’absence des besoins d’où peut naître la méchanceté. D’autre part, cet état est bien plutôt celui où règnent la violence et l’injustice, précisément parce que les hommes ne s’y considèrent que du seul point de vue de la nature. Or, de ce point de vue-là, ils sont inégaux tout à la fois quant aux

forces du corps et quant aux dispositions de l’esprit, et c’est par la violence et la ruse qu’ils font valoir l’un contre l’autre leur différence. Sans doute, la raison appartient aussi à l’état de nature, mais c’est l’élément naturel qui a en lui prééminence. Il est donc indispensable que les hommes échappent à cet état pour accéder à un autre état, où prédomine le vouloir raisonnable. »

HEGEL, Propédeutique philosophique, 1808

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

PRESENTATION DU SUJET

Ce texte de Hegel a trait à deux grands domaines classiques du programme de terminale L, le rapport entre nature et culture, et la morale. Il s’agit donc de mettre en lien ces deux grands domaines, a priori séparés mais qui évidemment communiquent l’un avec l’autre.

Plus précisément, il s’agit ici pour Hegel de s’interroger sur la présence de la morale à l’état de nature et dans l’état social, donc de discuter à la fois les théories du contrat social et une thèse rousseauiste assez répandue selon laquelle l’avènement de l’état social ne serait au final qu’une perte pour l’homme, l’état de nature faisant alors office d’un Eden disparu, d’un état d’harmonie parfaite pour l’homme, alors doué de bonté naturelle.

Il s’agit donc d’un texte à dimension morale et sociétale, qui questionne la possibilité d’une moralité à l’état de nature et la nécessité d’un état social.

ANALYSE DU TEXTE

  • Une explication de texte doit répondre à des attentes précises : lorsque j’explique un texte je dois montrer quelle est la thèse de l’auteur sur un sujet précis (son point de vue) et quelle stratégie argumentative il met en place pour donner sa thèse (de quelle manière il s’y prend ? Quel type d’argumentation il choisit ? Quels procédés sont les siens ? etc.)
  • Il faut aussi voir si la position défendue par l’auteur est originale ou pas, et qu’est-ce que cela nous apprend sur le sujet. En effet, si la connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise, chaque extrait à expliquer fait partie d’un thème au programme de philosophie, qu’on est censé connaître. Ainsi, on peut faire dialoguer la position de l’auteur avec nos connaissances sur la question, afin de voir si sa thèse est subversive ou classique, originale ou non.
  • L’idéal serait aussi de mettre en évidence un enjeu : manière par exemple que le texte a de faire résonner une question plus générale.
  • Dans une première lecture du texte, afin de vous assurer que vous l’avez bien compris (et que vous pouvez donc commencer l’explication), il faut pouvoir répondre aux six attentes de l’Introduction, ce que nous allons donc faire ici.
  1. Situation du texte

Dans ce texte, extrait du livre Propédeutique philosophique, Hegel…

  • Thème du texte (de quoi cela parle, quel est le domaine général auquel il a trait)

… s’intéresse à la différence entre l’état de nature et l’état social quant à la question de la moralité.

  • Thèse du texte (point de vue défendu par Hegel)

Contrairement à une opinion souvent défendue, pour Hegel l’état de nature n’est pas un état parfait où les hommes seraient dotés de moralité naturelle, car en effet l’état de nature est profondément dénué de moralité, au sens où il est amoral.

  • Problème du texte

Mais alors, n’est-ce que dans la société que l’homme advient à la moralité, malgré tous les vices que des auteurs tels Rousseau y dénonce et y dépeint ?

  • Enjeu

La question de la fiabilité des théories du contrat social, avec comme idée fondamentale la nécessité du passage à la société pour le bon développement de l’être humain.

  • Annonce du plan (étapes par lesquelles Hegel procède).

Pour mener à bien son argumentation, Hegel procède en trois temps. Dans un premier temps, Hegel expose la thèse couramment répandue selon laquelle il y aurait une bonté naturelle, thèse qu’il réfute immédiatement en posant l’idée que tout état de nature est fondamentalement amoral car innocent (méconnaissance du bien et du mal). Dans un second temps, Hegel va plus loin et montre que l’état de nature n’est pas seulement amoral, mais aussi immoral et malheureux. Hegel peut donc, dans un dernier temps en conclure sur sa conception

propre de l’état social, indispensable à la réalisation des qualités humaine, à la vie en conformité avec la raison et la nécessité, et du même coup sur la nécessité de sortir de l’état de nature.

PROPOSITION DE PLAN

I.  Que la moralité n’existe pas à l’état de la nature, ou l’amoralité de l’état de nature.

« On décrit souvent l’état de nature comme un état parfait de l’homme, en ce qui concerne tant le bonheur que la bonté morale. »

↳ Hegel vise sans aucun doute ici Rousseau, le philosophe qui défend l’idée d’une bonté morale naturelle en l’homme, et qui décrit l’état civil, doté de tous les vices, regrettant un état de nature où l’homme serait bon et en parfaite harmonie avec sa nature.

Mais ce “on” est plus généraliste, il s’explique par le fait que cette idée du « bon sauvage » était très répandue à l’époque tant du côté des philosophes (Locke, Rousseau, Montaigne) que du côté des écrivains.

L’état de nature est décrit comme parfait, selon deux critères. Premier critère, le bonheur, l’homme jouissant de la satisfaction de tous ses désirs de manière continue. Deuxième critère : la bonté morale, l’homme naturel aurait de manière innée des valeurs morales (ce qui ne va pas de soi puisqu’à l’état de nature la norme, qui fonde la morale et le droit, n’existe pas).

« Il faut d’abord noter que l’innocence est dépourvue, comme telle, de toute valeur morale, dans la mesure où elle est ignorance du mal et tient à l’absence des besoins d’où peut naître la méchanceté. »

↳ Or selon Hegel, ce serait un abus de langage que de parler de moralité de l’homme à l’état de nature, puisque précisément dans cet état, la

morale n’existe pas. Il y a deux raisons pour lesquelles la moralité s’avère anachronique de l’état de nature.

Première raison : l’innocence est l’ignorance du mal, or le mal est le contraire même de la morale, l’un des opposés du manichéisme qui la fonde, avec son inverse le bien. Mais si l’innocent est bon c’est au sens seulement qu’il ne fait pas de mal, mais cela ne suffit pas pour être moral. On pourrait là parler d’une bonté négative, une bonté par ignorance du mal, et si elle ne suffit pas pour fonder la moralité, c’est que cette dernière suppose la connaissance de la différence entre le bien et le mal, et un choix motivé pour choisir entre l’un des deux. Elle est alors de l’ordre du fait et non du droit, non imputable à l’intention d’un sujet, donc amorale.

Deuxième raison : l’état d’innocence se caractérise par l’absence des besoins, qui seuls font naître la méchanceté. Il s’agit non pas ici d’absence de besoins primaires (manger, boire, etc.) mais d’absence de besoins compris bien plutôt comme des désirs de luxe, de gloire, de pouvoirs, ces passions qui ne peuvent s’accomplir qu’au détriment d’autrui et donc dans la lutte des hommes les uns envers les autres. Or à l’état de nature, tout le monde dispose de ce dont il a besoin, personne ne court après ces désirs vicieux, contrairement à l’état civil qui les fait naître. Ceci explique donc l’innocence de l’homme à l’état de nature, “innocence” étant à comprendre étymologiquement comme le fait de ne pas nuire (nocere) à autrui, d’être inoffensif.

II.  Que l’état de nature est immorale : injustice, malheur et violence.

« D’autre part, cet état est bien plutôt celui où règnent la violence et l’injustice, précisément parce que les hommes ne s’y considèrent que du seul point de vue de la nature. »

↳ Hegel montre la contradiction qu’il y a à parler de moralité à l’état de nature, état qui s’oppose à l’état moral, où les hommes se considèrent

comme membres d’une même espèce et absolument pas comme des personnes dotées de droit devant se respecter mutuellement.

C’est donc un état où règne violence et injustice, violence car les rapports entre individus ne sont pas normés, injustice parce qu’il y a des inégalités renforcées par la loi du plus fort. Violence et injustice fondent alors l’immoralité. Gradation de Hegel qui passe ainsi de l’amoralité à l’immoralité de l’état de nature.

« Or, de ce point de vue-là, ils sont inégaux tout à la fois quant aux forces du corps et quant aux dispositions de l’esprit, et c’est par la violence et la ruse qu’ils font valoir l’un contre l’autre leur différence. »

↳ L’injustice provient d’une inégalité de fait, renforcée par la loi du plus fort, inégalité tant physique (« forces du corps ») qu’intellectuelle (« dispositions de l’esprit). L’inégalité physique se redouble par la force, l’inégalité intellectuelle par la ruse.

Donc, sous la plume de Hegel, dans l’état de nature, on est loin de ce que la thèse si souvent défendue prônait : au lieu de bonheur et de perfection morale, il s’agit de malheur et d’immoralité.

III.  L’état social, réalisation de la raison et donc de la moralité

« Sans doute, la raison appartient aussi à l’état de nature, mais c’est l’élément naturel qui a en lui prééminence. »

↳ Hegel reprend ici l’idée traditionnelle selon laquelle l’homme est un animal rationnel, au sens où il serait naturellement doté de raison.

Entendons par là une faculté théorique, de connaissance, une faculté rationnelle donc, mais aussi une faculté pratique, de moralité, une faculté raisonnable, donc.

Seulement, précise Hegel, à l’état de nature, la raison sommeille, ce n’est pas elle qui domine, mais « l’élément naturel » de l’homme. D’où la nécessité de dépasser l’état de nature, qui sera précisée dans la phrase suivante.

« Il est donc indispensable que les hommes échappent à cet état pour accéder à un autre état, où prédomine le vouloir raisonnable. »

↳ Le développement de notre nature propre, de notre puissance rationnelle et raisonnable, suppose nécessairement (« il est indispensable ») un dépassement de l’état de nature et un passage à l’état social.

Pour Hegel, la moralité existe seulement en cet état social. En effet, cette dernière est un développement particulier de la raison (d’où l’expression « vouloir raisonnable ») qui ne se réalise qu’en société. Ici Hegel décrit à sa manière le contrat social, soit le passage de l’état de nature à l’état de culture. Notons que ce qui fonde le contrat social, ce n’est pas un intérêt, mais le développement de la raison en sa version morale notamment, donc la réalisation de l’essence spirituelle de l’homme. D’un point de vue plus large, on sait d’ailleurs que la nature pour Hegel n’est que l’autre de la raison, et que cette

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