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Faut-il dire que la société dénature ou humanise l’homme ? – Sujet corrigé de philosophie – Niveau Terminale A,C,D,E

Faut-il dire que la société dénature ou humanise l’homme ? – Sujet corrigé de philosophie – Niveau Terminale A,C,D,E

Introduction

La société est un bien vilain mot, ou plutôt une bien dure réalité pour l’individu ; elle est en effet souvent perçue comme une aliénation, une atteinte à la liberté, et même une corruption. On oppose ainsi l’état social à l’état de nature, qui serait, lui, le règne de la liberté et du bonheur. La société, c’est un obstacle à la nature (humaine). Cette identification de la société à un démon corrupteur, semble bien faire abstraction de notre nature humaine. En effet,  » l’homme n’est ni ange ni bête « , disait Pascal. L’état de nature serait par conséquent un mythe créé de toutes pièces … justement pour nous montrer que la société contribue à faire de l’homme un homme ! C’est ce qu’a compris Rousseau, puisqu’il nous montre, après avoir fait les louanges du  » bon sauvage « , que le contrat social est un bienfait qu’il nous faut bénir. Ainsi1, la société est partout (nous naissons au sein d’une communauté, et, de plus, la société est un phénomène universel), et c’est elle qui nous détermine. On peut dire que de l’état de nature, l’homme passe naturellement à la société2. Mais à quelle Cité ? Celle des esclaves ou celle des hommes libres ?3 Lourd problème, qui nous fait soulever celui de la nature et de l’humanité de l’homme. Que permet la société en ce domaine ?  » Faut-il dire qu’(elle) dénature ou (qu’elle) humanise l’homme  » 4?

Pour un commentaire de l’introduction, C.F. note 5

  1. Nous allons d’abord voir si la société est un artifice qui dénature l’homme6.
  2. Ainsi, nous allons maintenant voir que la société, c’est ce qui fait de l’homme un homme.n32
  3. Ainsi, il faut se rendre à l’évidence que la société est nécessaire à l’homme en tant qu’homme ; il y a en fait consubstantialité de l’homme et de la société. n40

En effet, il ne faut pas oublier que l’homme est incapable de se suffire à lui-même ! Il y a donc une impuissance initiale de l’homme, qui sera amené à faire de la société son bouclier, pour se défendre des catastrophes naturelles et économiques ; il trouve donc dans la société bonheur et sécurité. C’est bien ce que déclare Sénèque :  » l’homme n’est environné que de faiblesse ; il n’a ni la puissance des ongles, ni celle des dents pour se faire redouter ; nu, sans défense, l’association est son bouclier « . Il semble ainsi que l’homme soit effectivement destiné à s’associer, sans quoi, il trouvera la mort. Dans le mythe de Prométhée, que l’on trouve dans le Protagoras de Platon, Protagoras affirme que tout se passe comme si les dieux avaient initialement chargé deux frères (Epiméthée et Prométhée) d’approprier à chaque espèce animale des  » qualités appropriées « . L’oublieux Epiméthée, voulant effectuer seul le partage, a pourvu les uns de la vitesse, les autres de la force, etc., mais il a oublié l’homme. C’est pourquoi son frère, Prométhée, apercevant les hommes nus, sans défense, ni couvertures, ni armes, voyant qu’ils périssaient sous le coup des bêtes fauves, toujours plus fortes qu’eux, vole le feu à Héphaïstos et permet ainsi à l’humanité de compenser son retard initial. Mais ce mythe nous montre bien que l’homme, cette pauvre créature délaissée par un malencontreux oubli, ne peut en aucun cas se suffire à lui-même, et qu’il a besoin de s’associer pour pouvoir subsister.

Et, de plus, c’est la société et elle seule qui délivre l’homme de ses instincts (animaux). En effet, c’est la culture qui introduit un ordre dans le désordre naturel. C’est ce que nous montre bien Levi Strauss, à travers la prohibition de l’inceste. En effet, avec cette prohibition, s’inscrivent un ordre et une organisation dans un espace naturel que caractérisait le désordre. Là où la nature ne laissait que hasard, promiscuité sexuelle, indifférenciation, absence de discrimination, élans individuels incontrôlés (puisque non modelés par la norme), la règle introduit l’ordre. Au désordre biologique, naturel et animal, s’oppose ainsi l’ordre humain de la culture ! Par conséquent, d’un animal stupide et borné, la société fait de l’homme un être intelligent et un être humain, à travers l’institution de lois et règles de toutes sortes. Dans le Contrat Social, Livre I, chapitre 8, Rousseau lui-même loue cette société qui substitue dans la conduite de l’homme la justice à l’instinct, et donne à ses actions la moralité qui lui manquait auparavant. Avec la société, la voix du devoir succède donc à l’impulsion physique ; l’homme se voit ainsi forcé de consulter sa raison avant d’écouter ses penchants. La société fait donc de l’homme un être moral et maître de lui, en le délivrant des chaînes de la passion,  » car l’impulsion du seul appétit est esclavage « .

Ainsi, c’est dans la Cité que l’homme peut réaliser la perfection de sa nature(i.e., l’accès à l’humanité). En effet, l’homme est un existant absurde, sans raison d’être. Mais la société peut le sauver, lui conférer un être, une essentialité et une réalité : elle est pour l’homme une instance suprême, qui le fait devenir ce qu’il doit être, i.e., un homme véritable. La société se définit donc comme le milieu humain dans lequel est intégré tout individu ; elle est ainsi entièrement productrice de nos existences. Sous un certain angle, l’exclusion est la forme concrète de l’enfer et de la damnation, puisqu’elle consiste à être séparée de la seule instance créatrice de l’homme. Par conséquent, celui qui n’est ni bête ni dieu, à savoir l’homme, ne peut réaliser une i.e. humaine parfaite que dans le cadre de la Cité. Ainsi pour Hegel l’homme ne devient vraiment homme qu’après une longue histoire. En effet, contrairement à l’animal dont la nature est une et achevée, l’être humain se caractérise par une nature divisée, sensibilité et raison, et donc, par la possibilité de dépasser sa nature animale en développant sa raison. n41 A chacun de nous d’exercer son vouloir raisonnable pour parvenir à la réconciliation de notre être et à l’accomplissement de notre humanité ! Ainsi, l’homme trouve réellement au sein de la Cité le moyen pour atteindre la perfection de sa nature, car il s’y voir obligé d’exercer et de développer ses facultés, d’étendre ses idées, d’ennoblir ses sentiments. C’est donc dans la Cité, où il vit sous le règne de la raison, que l’homme réalise la perfection de sa nature.

Ainsi, la société est nécessaire à l’homme qui naît totalement démuni, sans la possibilité de développer seul ses capacités. C’est donc la société qui va amener l’homme à franchir le seuil de l’humanité, et donc, à réaliser sa nature perfectible. La société est naturelle à l’homme, et c’est elle qui le fait devenir homme ! n42

Conclusion

L’homme est un être biologique, i.e., un animal comme les autres, mais il est aussi un animal social. En tant qu’être biologique, il possède un ensemble de caractères et de comportements innés et spontanés qui forment sa nature. En tant qu’être social, en revanche, il acquiert au sein de son groupe (par la coutume, l’éducation, etc.)des caractères et des comportements qui constituent sa culture. Mais on ne peut pas vraiment dissocier nature et culture. On peut admettre avec Aristote que l’homme n’est pas fait pour vivre seul ; la société paraît par conséquent naturelle à l’homme, dans la mesure où elle lui donne les moyens de subvenir à ses besoins. Ainsi, seule la société qui permet à l’homme de vivre sous la règle de la raison, peut lui donner la possibilité de réaliser la perfection de sa nature, qui est l’accès à l’humanité, et donc, la possibilité d’atteindre le bonheur.

La société, qui est naturelle à l’homme, est donc l’aboutissement de sa nature ; et c’est elle qui fait de l’homme un être humain. Par conséquent, la société ne dénature pas l’homme : elle ne fait que développer ses facultés endormies à l’état de nature. La société humanise l’homme, et on ne peut donc concevoir un homme sans société. Ainsi, il y a véritablement consubstantialité de l’homme et de la société.

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