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Cours de Philosophie · Terminale France – Le temps : Fiche de cours – Philosophie

Introduction :

Le temps est une dimension de notre réalité, celle qui se manifeste dans le changement, dans le fait que toutes les choses ne cessent de devenir autres que ce qu’elles étaient. Quand on veut penser le temps, on pense ainsi aux choses qui changent, à celles qui vieillissent et meurent par exemple. Mais alors, on ne se représente pas le temps lui-même, seulement son effet sur les êtres. Est-il seulement possible d’appréhender le temps par la pensée ? Comment comprendre et définir le temps, alors qu’on ne peut le voir, le toucher, ni peut-être même prouver de façon certaine sa réalité ? Le paradoxe du temps est que nous éprouvons constamment, et souvent douloureusement, son existence, mais que son abstraction et son immatérialité en font une notion extrêmement difficile à penser. Ce double constat nous invite à nous demander comment aborder le temps : peut-on penser le temps de façon absolue, en tant que concept mathématique et physique, ou doit-on plutôt réfléchir au temps dans sa relation aux êtres qui lui sont soumis et aux consciences qui le vivent ?

Qu’est-ce que le temps ?

Une réalité qui nous est extérieure ?

Toute chose, vivante ou non, est soumise au temps. Pour la physique, le temps est un facteur à considérer, un paramètre : toute question physique prendra ainsi en compte le temps, par exemple sous la forme de la vitesse ou de l’accélération.

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Exemple

Pour Newton, le temps est défini en fonction de l’espace et de la notion de mouvement.

  • Le temps est ce qui permet à un corps d’occuper successivement différents points dans l’espace.

Cette dimension physique s’accompagne d’une dimension mathématique, qui permet de formuler des propriétés du temps.

  • Le temps est irréversible : son mouvement se fait dans un seul sens et de façon uniforme, de ce que nous appelons le passé vers ce que nous nommons le futur. Il n’y a qu’une direction possible, on ne peut revenir en arrière. Cette propriété du temps nous semble évidente, mais nous ne pouvons pourtant pas l’expliquer. Alors qu’un mouvement dans l’espace peut se faire dans une pluralité de directions, un mouvement dans le temps possède un sens unique.
  • Le temps est sécable et mesurable : on peut délimiter l’étendue indéfinie du temps en portions régulières. Ainsi, nous divisons le cours du temps en années, mois, jours, heures etc. Pourtant, on ne sait pas borner le temps : y a-t-il un début et une fin au temps ?
  • Le temps est continu : le temps ne cesse jamais, il est toujours en train de s’écouler. Comment analyser une chose qui est constamment présente et dont on ne peut se représenter l’absence ?
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À retenir

Cette approche réaliste du temps, qui le conçoit comme une réalité extérieure, le définit implicitement comme le milieu dans lequel chaque chose a son existence, au même titre que la terre est le milieu de l’espèce humaine par exemple.

Cette perception correspond à la conception newtonienne, qui a très longtemps prévalu, et qui voit dans le temps un absolu.

  • Le temps ne dépend pas de nous, existe indépendamment de nous ; mais il n’appartient pas non plus au monde matériel.

La relativité du temps

La physique newtonienne voit dans le temps un instrument qui permet de mesurer les phénomènes du monde. Mais comment prouver que l’outil que nous appelons « temps » existe réellement ? Le temps est parfaitement uniforme, or, rien d’autre dans notre univers ne semble doté d’une telle perfection mathématique. Le temps ne serait-il pas plutôt un outil créé par l’esprit ?

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À retenir

L’approche d’Einstein et sa découverte de la théorie de la relativité, en 1905, représentent une révolution dans notre connaissance du temps. Alors que Newton pose le temps et l’espace comme des absolus, Einstein montre que le temps (comme l’espace) est relatif à la position de l’observateur.

  • Le temps n’est donc plus un repère universel et constant mais une notion relative.

En effet, Einstein découvre que le temps s’écoule différemment selon la vitesse de l’observateur. Le temps s’écoule plus lentement lorsque la vitesse est grande, et inversement. On ne pense plus le temps seul, mais l’espace-temps.

Cela signifie que le temps n’a pas de mesure par lui-même, de mesure qui serait absolue et objective. On ne peut pas mesurer le temps réel !

La théorie de la relativité est troublante dans la mesure où elle ne correspond pas à notre intuition sur le temps. L’évolution de la physique newtonienne à la relativité d’Einstein montre en tout cas que le temps n’est pas un objet scientifique transparent.

Penser le temps

La difficulté se pose plus encore dès lors que l’on cherche à appréhender philosophiquement le temps, c’est-à-dire à réfléchir non pas seulement à la réalité physique du temps mais à notre manière de le concevoir et de le penser.

Une difficile définition : saint Augustin

Saint Augustin, lorsqu’il s’interroge sur le temps, part d’un constat : nous savons ce qu’est le temps mais nous sommes incapables de le définir.

« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. Pourtant, je le déclare hardiment, je sais que si rien ne passait, il n’y aurait pas de temps passé ; que si rien n’arrivait, il n’y aurait pas de temps à venir ; que si rien n’était, il n’y aurait pas de temps présent. Comment donc ces deux temps, le passé et l’avenir, sont-ils, puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il est toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, mais de l’éternité. Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu’il est aussi, lui qui ne peut être qu’en cessant d’être ? Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus. »

En d’autres termes, malgré l’évidence de notre expérience intime et constante du temps, nous ne saurions en définir la nature.

Ce que nous pouvons penser et exprimer, par contre, c’est le passage du temps, c’est-à-dire la succession de trois temporalités : le passé, le présent et l’avenir. C’est en réalité la seule perception que nous pouvons formuler.

Mais le paradoxe que souligne saint Augustin est que ces trois temporalités n’ont pourtant aucune existence. Le passé est ce qui n’est plus. Le futur est ce qui n’est pas encore. Quant au présent, on peut le penser comme l’intersection entre ces deux non-êtres que sont le passé et le futur.

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À retenir

Saint Augustin définit alors le temps par sa nature subjective, c’est-à-dire par l’appréhension qu’on en a.

  • Le passé existe dans notre mémoire, comme rétention du temps.
  • Le futur existe par l’attente que nous en avons, sous la forme d’une anticipation.
  • Le présent existe par notre attention.

Le temps est donc pour lui non une réalité physique, mais une modalité de la conscience : la distenio animi (distension de l’âme). Nous percevons toutes les temporalités depuis notre présent. Pour saint Augustin, le passé est en fait un présent du passé : le souvenir. De même, le futur ne se donne à la conscience qu’au présent, sous la forme de l’anticipation.

Le but de saint Augustin n’est pas de nier la réalité physique du temps. Il cherche plutôt, et c’est le premier à le faire, à examiner quel rapport notre esprit entretient avec cette notion dont il montre l’étrangeté.
À l’opposé d’une démarche scientifique qui nécessite de fractionner le temps, saint Augustin l’appréhende en contraste avec l’éternité. N’oublions pas que le cadre de sa pensée est religieux : l’éternité prime donc sur le temps. Cette nuance ajoute un niveau de complexité : le temps est pensé par contraste avec ce qui est son contraire, l’éternité, et qui échappe également à notre raison.

La subjectivité objective du temps : Kant

Faut-il déduire de nos précédentes observations qu’il y a deux approches irréconciliables du temps, une approche subjective et une approche mathématique et physique ? Dans ce cas, cela signifie-t-il que l’une de ces approches est fausse, et laquelle ? Faut-il renoncer à toute expérience et pensée objective du temps ?

La démarche de Kant permet de faire la synthèse entre ces deux approches. En effet, Kant cherche avant tout à examiner les conditions de notre expérience : c’est-à-dire ce qui rend possible notre expérience du monde, et donc notre pensée. Il ne cherche pas ce qui, dans le monde extérieur, est cause des existences : il ne s’interroge pas sur le réel lui-même, mais sur ce qui nous permet d’être en contact avec le réel.

  • C’est donc sur le temps tel que l’esprit humain le conçoit que s’interroge Kant.

Kant explique que, par définition, l’esprit humain ne peut rien concevoir en dehors de ses propres structures. Comment pourrions-nous alors accéder à un concept absolu du temps ? Une telle chose existe-t-elle seulement ? Pour Kant, c’est une question qui ne peut recevoir de réponse, et qu’il ne sert donc à rien de poser.

Ce que l’on peut dire du temps par contre, c’est qu’il constitue une condition de possibilité de notre expérience sensible : c’est dans le temps (et dans l’espace) que nous expérimentons le monde. Pour Kant, le temps est la forme par laquelle l’homme perçoit le monde, « le temps n’est qu’une condition subjective de notre (humaine) intuition ».
Kant appelle le temps et l’espace des « formes a priori de notre sensibilité ». Ce sont des formes, au sens où il s’agit de structures de notre esprit et non d’objets extérieurs. Elles sont a priori, c’est-à-dire qu’elles existent avant l’expérience : nous ne déduisons pas le temps de notre expérience du monde. C’est toujours à travers le temps et l’espace que nous faisons l’expérience du monde, que nous éprouvons, vivons, pensons : temps et espace sont la forme de notre sensibilité. C’est pourquoi nous ne pouvons nous représenter une expérience qui serait dépourvue des notions de temps et d’espace.

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À retenir

Pour Kant, le temps se situe donc dans notre esprit : il est subjectif. Mais cela ne signifie pas qu’il n’a aucune valeur objective.
En effet, le temps a pour nous un caractère de nécessité : nous ne pouvons pas ne pas éprouver le temps étant donné qu’il s’impose à nous. C’est une forme connue de tout être humain, qui permet à tous une expérience commune du réel : il est donc également objectif, puisque le temps n’est pas une illusion individuelle, mais constitue la réalité pour nous.

Vivre le temps

Il n’y a donc pas nécessairement d’écart entre le temps des scientifiques et le temps tel que nous l’expérimentons. Ou plus exactement, nous n’avons pas une seule manière d’expérimenter le temps, bien que nous utilisions toujours le même mot pour en parler.

Les temporalités

Chacun a expérimenté la différence entre le temps objectif et le temps subjectif. Un même laps de temps peut ainsi sembler très rapide, s’il est agréablement occupé par exemple, ou très long, lorsqu’on s’ennuie. Notre monde indique pourtant la même durée dans les deux cas.

Bergson propose de distinguer deux mesures du temps : celle de la technique et celle de la conscience.

  • Le temps de la technique est celui de la montre, des instruments scientifiques, il vise l’universalité et la constance, il est commun à tous. Cette mesure du temps est tournée vers les fonctions utilitaires de la vie, par exemple le travail.
  • Le temps de la conscience est, au contraire, un temps subjectif, qui dépend des souvenirs, des attentes, de l’état psychologique et physique de la personne. C’est donc un temps individuel et variable, qui ne peut pas nécessairement être partagé.
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Astuce

Par rapport au mot « temps », le terme « temporalité » indique la dimension subjective du temps et son rapport à la conscience.

Rien ne dit pour autant que le temps mathématique aurait plus de réalité que le temps de la conscience. Rien ne permet, surtout, de proposer une définition unique et une conception unifiée de ce qui serait un « temps mathématique ».

La durée

Bergson propose un autre concept, celui de durée, pour analyser la particularité du temps tel que nous le vivons.

« La durée réelle est ce que l’on a toujours appelé le temps, mais le temps perçu comme indivisible. Que le temps implique la succession, je n’en disconviens pas. Mais que la succession se présente d’abord à notre conscience comme la distinction d’un “avant” et d’un “après” juxtaposés, c’est ce que je ne saurais accorder. Quand nous écoutons une mélodie, nous avons la plus pure impression de succession que nous puissions avoir – une impression aussi éloignée que possible de celle de la simultanéité – et pourtant c’est la continuité nome de la mélodie et l’impossibilité de la décomposer qui font sur nous cette impression. Si nous la découpons en notes distinctes, en autant d’“avant”, et d’“après” qu’il nous plaît, c’est que nous y mêlons des images spatiales et que nous imprégnons la succession de simultanéité : dans l’espace, et dans l’espace seulement, il y a distinction nette de parties extérieures les unes aux autres. Je reconnais d’ailleurs que c’est dans le temps spatialisé que nous nous plaçons d’ordinaire. Nous n’avons aucun intérêt à écouter le bourdonnement ininterrompu de la vie profonde. Et pourtant la durée réelle est là. C’est grâce à elle que prennent place dans un seul et même temps les changements plus ou moins longs auxquels nous assistons en nous et dans le monde extérieur. »

Henri Bergson, La Pensée et le Mouvant, 1934.

Bergson commence par faire remarquer que notre conception du temps est entièrement spatialisée : nous concevons le temps comme de l’espace. En ce sens, la métaphore de la ligne du temps est révélatrice : le temps s’écoulerait à la manière d’une succession de points (les instants), contigus les uns aux autres. La mesure du temps est d’ailleurs une mesure de l’espace : nous calculons ainsi le nombre de passages de l’aiguille sur un même point de notre montre.

Si le temps est une juxtaposition d’instants, comment se fait-il qu’une même chose puisse perdurer dans le temps ? Comment puis-je par exemple dire « je », estimer être la même personne qu’il y a un an, dix ans, qu’au moment de ma naissance, plutôt qu’autant de personnes qu’il y a eu de seconde ? Bergson montre ainsi le paradoxe auquel mène la conception purement mathématique du temps, qui ne fait qu’additionner une série d’instants.
L’unité du « je » dans le temps dépend au contraire de la durée, selon Bergson, c’est-à-dire d’une temporalité qui forme une unité, qui fait bloc, qui a une épaisseur, et qui ne correspond donc pas au modèle de la ligne séquencée. La durée est vécue comme une totalité, un ensemble, elle ne peut être divisée.

L’exemple de la mélodie permet de le comprendre : lorsque nous entendons une phrase musicale, ou une phrase linguistique, nous n’entendons pas une succession d’instants. Si chaque son est perçu comme séparé des autres, nous perdons la compréhension d’ensemble. Pour percevoir la ligne mélodique ou comprendre le sens de la phrase, il faut, au contraire, se placer dans la durée, c’est-à-dire dans une continuité qui n’est pas séparable en plus petites unités.

Conclusion :

Il n’y a donc pas de sens à définir le temps comme une suite continue d’instants. Il faudrait encore pour cela être capable de délimiter un instant, ce qui nécessiterait de pouvoir déjà se servir de la notion de temps. L’instant fugace et peu utilisable par notre conscience se distingue du présent, temporalité plus ou moins étirée, dont saint Augustin dit qu’elle est celle de notre attention. Lorsque je compare une personne sur une photo datant d’il y a dix ou vingt ans avec ce que cette personne est devenue aujourd’hui, je perçois évidemment l’effet du passage du temps, mais je ne ressens pas directement le temps. Dans le présent par contre, je peux être attentif à la durée continue, éprouver l’épaisseur d’un temps subjectif. Ce constat attentif est déjà une manière de penser le temps, c’est-à-dire de m’y rapporter par la pensée. Mais nous ne pouvons aller plus loin : les questions telles que « pourquoi le temps existe-t-il ? », « à quoi sert le temps ? », « qu’est-ce qui crée le temps ? » sont impossibles non pas à concevoir mais à analyser pour nous, parce que nous sommes situés dans le temps et ne pouvons donc penser hors de cette limite.

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