Cours Terminale Philosophie – Faut-il toujours obéir à la loi ?

Cours Terminale Philosophie – Faut-il toujours obéir à la loi ?

Contrainte et obligation            

A première vue, il faut toujours obéir à la loi. Car la loi est la loi. Par définition nous sommes obligés d’y obéir. C’est comme ça.

Mais si nous réfléchissons un peu au lieu d’appliquer bêtement les ordres, nous voyons que tout dépend des cas :

La loi est-elle démocratique ou celle d’un tyran ? La loi est-elle juste ou injuste ?

Si nous sommes face à la loi injuste d’un tyran, il ne faut pas y obéir. Peut-être y sommes-nous contraints (par la police ou l’armée), mais rien ne nous y oblige. En revanche dans les deux autres cas la question se pose.

La loi vise à écarter les conflits

Nous voudrions dire qu’il ne faut obéir à la loi que si elle est juste. Mais en démocratie la situation est plus compliquée. Car si chacun n’en fait qu’à sa tête la société ne peut fonctionner. Les lois visent justement à mettre tout le monde d’accord, quitte à être parfois un peu injustes ou un peu absurdes.

Par exemple il faut s’arrêter au feu rouge même si personne ne passe. C’est justement pour éviter de discuter de la dangerosité de chaque situation particulière (ce qui mènerait à des débats sans fin) que les feux rouges ont été instaurés.

Conclusion : il faudrait toujours obéir à la loi, même si elle est injuste. C’est ce qu’a fait Socrate en buvant la ciguë.

C’est aussi le principe que défend Pascal : arguant que le pire des maux est la guerre civile, il considère qu’il vaut mieux obéir à une loi injuste plutôt que risquer de générer du désordre par la désobéissance, et affirme même qu’il vaut mieux une loi injuste, mais nette (ex : la loi salique : donner le trône au fils du roi) plutôt qu’une loi juste (donner le trône à l’homme le plus capable de gouverner le pays) qui risquerait d’entraîner des conflits.

Pourtant il y a des cas où l’on peut, et même où l’on doit, désobéir à la loi. Par exemple face à une loi abjecte qui nous commanderait d’assassiner quelqu’un ou de collaborer à son meurtre. Celui qui appliquerait une telle loi sans se poser de questions serait en quelque sorte inhumain. Ce fut le cas de certains fonctionnaires nazis, tel Eichmann, au cours de la Seconde guerre mondiale. Ce que révèle le nazisme, c’est que le système bureaucratique moderne, fondé sur la division du travail, nous habitue tant à obéir que nous sommes tous devenus des nazis potentiels, comme le prouve l’expérience de Milgram.

Le cas Eichmann

Eichmann était un fonctionnaire nazi qui a participé à l’extermination des Juifs et des minorités européennes lors de la Seconde guerre mondiale.

Après la guerre, il s’enfuit en Amérique du sud, mais il fut capturé (illégalement) quelques années plus tard par un commando israélien qui l’amena en Israël pour l’y Juger de ses actes.

Eichmann se défendit en disant qu’il s’était contenté d’obéir aux ordres :

EICHMANN : Je déclarerai pour terminer que déjà, à l’époque, personnellement, je considérais que cette solution violente n’était pas justifiée. Je la considérais comme un acte monstrueux. Mais à mon grand regret, étant lié par mon serment de loyauté, je devais dans mon secteur m’occuper de la question de l’organisation des transports. Je n’ai pas été relevé de ce serment.

Je ne me sens donc pas responsable en mon for intérieur. Je me sentais dégagé de toute responsabilité. J’étais très soulagé de n’avoir rien à faire avec la réalité de l’extermination physique. J’étais bien assez occupé par le travail que l’on m’avait ordonné de prendre en charge. J’étais adapté à ce travail de bureau dans la section, j’ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m’a jamais reproché d’avoir manqué à mon devoir.

Extrait des séances du procès Eichmann (1961) L’expérience de Milgram

On évoque souvent l’expérience de Milgram pour illustrer cette tendance à se soumettre à l’autorité. Stanley Milgram, un scientifique américain, a réalisé l’expérience suivante en 1963 : on propose à un volontaire de participer à une expérimentation psychologique. Un docteur pose des questions à un candidat, et à chaque mauvaise réponse, le volontaire doit appuyer sur un bouton qui envoie une décharge électrique au candidat. On demande, au fil de l’expérience, d’envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes. La scène est évidemment truquée : le candidat ne reçoit pas des décharges électriques, c’est un acteur qui simule la douleur. Le résultat frappant de cette expérience est que 65 % des volontaires allèrent jusqu’à des décharges mortelles, même si ce fut généralement avec réticence et difficulté (nervosité extrême, protestations verbales, rires nerveux, etc.). Ces expériences montrent la propension effrayante des individus à obéir sans se révolter. Il semblerait que nous soyons tous (devenus) nazis.

En sociologie, Max Weber a souligné les dangers liés à la domination « légale- rationnelle » de la bureaucratie moderne. En littérature, c’est Franz Kafka qui a rendu de manière éclatante le totalitarisme rampant lié à toute bureaucratisation des rapports humains dans Le Procès.

La désobéissance civile

C’est pour éviter cela que nous avons besoin d’un théorie qui justifie la désobéissance dans certains cas. Cette théorie existe, c’est l’idée de la désobéissance civile.

Henry David Thoreau (1817-1862) est le père de cette théorie. En 1846, cet américain refuse de payer ses impôts à un Etat qui admet l’esclavage et qui fait la guerre au Mexique. Il ira en prison pour cela, mais sera rapidement libéré car sa tante paiera ses impôts (contre son gré). Il théorisera alors son action, inaugurant le concept de désobéissance civile.

Les deux grandes figures de la désobéissance civile au XXe siècle sont Gandhi et Martin Luther King. Refusant la violence, ils sont néanmoins prêts à désobéir – et considèrent même que c’est leur devoir – pour libérer leur peuple. Ainsi selon Martin Luther King, « chacun a la responsabilité morale de désobéir aux lois injustes » Plus récemment, en France, les faucheurs d’OGM emmenés par José Bové ont fait acte de désobéissance civile.

Tout acte hors-la-loi n’est pas pour autant une forme de désobéissance civile. Celle-ci se définit par les caractéristiques suivantes :

Il doit y avoir désobéissance, évidemment. :)= Ajoutons que cette infraction doit  être consciente et intentionnelle (ce qui est tout aussi évident).

La désobéissance civile doit être un acte public, c’est-à-dire revendiqué et assumé comme tel, afin d’écarter tout soupçon sur la véritable intention du hors-la-loi.

Ce doit être aussi un mouvement collectif, c’est-à-dire un acte accompli au nom de l’intérêt général et non au profit d’un intérêt particulier. Toutefois rien n’empêche à un unique individu d’accomplir seul cet acte, comme le fit Thoreau.

Enfin la désobéissance civile est généralement non violente, car elle en appelle à la conscience endormie de la majorité plutôt qu’à l’imposition d’un point de vue par la force.

Conclusion : nous avons parfois le droit et même le devoir de désobéir à la loi.

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